Chapitre IV La déformation dans le nœud Si j’affirme ainsi que la caractéristique de chaque nœud alternable est un accomplissement de coupure et qu’il n’est pas d’autres nœuds alternables que des nœuds présentant une coupure, je sais que je me heurterai à une opposition irréductible. On me fera l’objection suivante : le fait n’est pas nouveau que l’on puisse construire sur des nœuds une surface qui n’est pas orientable, toute une série d’auteurs l’ont signalé dès longtemps [32]. Mais dire qu’il n’y a que des nœuds d’accomplissements de coupure est une généralisation injustifiée que l’on peut réfuter sans peine. Trop de nœuds cernent une surface orientable, sans la trace de la moindre réalisation d’une coupure. L’auteur qui s’oppose le plus nettement à cette conception est sans doute le mathématicien orientaliste H. Seifert. Il le dit dans son Uber das Geschlicht von Knoten [36]. Il est de très bonnes raisons de privilégier les surfaces orientables, surtout si l’on vise la classification des variétés de dimension trois, l’espace qui entoure nos objets, les variétés de nœuds ou de chaînes. Des observateurs moins sombres font ainsi ressortir que l’orientation de la surface est plus pertinente dans l’espace que la non-orientation. Qui a étudié les nœuds du point de vue de la variété du nœud est porté à donner à cette prédominance de la surface orientable une expression différentielle. D’après ces auteurs, les nœuds sont seulement susceptibles de recevoir une surface orientable et Seifert a d’ailleurs produit un très bel algorithme afin de la construire1. En dehors des non-nœuds présentant un nombre pair de croisements, qui continuent l’espace environnant dans la surface, il y a encore les non-nœuds impairs qui nous intriguent comme le nœud de Lacan, où la surface d’empan coïncide avec la surface de Seifert, jusqu’aux nœuds non alternables qui peuvent avoir une surface d’empan orientable sans nécessiter de coupure. Et c’est précisément dans les cas alternables, dans les cas où nous avons trouvé ces nœuds accomplissant une coupure, qu’il est particulièrement pertinent de constater que la surface peut être orientée sans recourir à une coupure. Il semblerait que les nœuds non alternés sont en contradiction avec la loi d’accomplissement de la coupure que nous avons cru pouvoir déduire des exemples des chapitres précédents et qu’ils rendent absurde notre tentative de généralisation. Il n’est cependant pas difficile de répondre à ces objections, en apparence si convaincantes. Il suffit de se rappeler que notre théorie s’appuie sur un examen, non des présentations non alternées du nœud, mais de la présentation alternée quand elle existe, et que le travail de déformation par les changements de présentation découvre heuristiquement. Nous opposons aux surfaces quelconques la surface d’empan minimum dans les cas alternables. Si nous nommons ce fait : la déformation dans le nœud, une seconde question se posera aussitôt : à quoi tient cette déformation du nœud? Il est vrai qu’il existe des nœuds non alternables dont la surface minimum est orientable, mais le caractère non alternable de ces objets équivaut pour nous à la présence de la coupure dans les cas alternables, et a-t-on jamais essayé de situer ces nœuds, de découvrir leur relation et leur lien aux cas alternables? Sinon, toutes les objections tombent, car n’est-il pas possible aussi que des nœuds non alternés dont la surface est orientable se révèlent, en fait après étude, faire nœud précisément? Il est souvent utile au cours d’une recherche, quand la solution d’un problème présente des difficultés, de passer à l’examen du problème suivant; on casse plus facilement deux noix l’une contre l’autre. Nous n’allons pas essayer de résoudre d’emblée la question de savoir comment des nœuds non alternables dont la surface est orientable peuvent accomplir des coupures; nous allons nous attacher d’abord à un autre problème qui découle également de ce que nous avons vu jusqu’à présent : pourquoi des non-nœuds? Le nœud que nous avons étudié, que nous avons longuement exposé, n’avait rien d’alternable, la variation de la coupure nous est apparue, après le calcul, comme rendant bien compte de ses enlacements. Mais pourquoi une analyse est-elle nécessaire, pourquoi le nœud ne découvre-t-il pas aussitôt sa présence? En fait, ce nœud contenant des enlacements ne donnait pas au premier abord l’impression d’accomplir une coupure comme les nœuds impropres ou chaînœuds. Le lecteur l’aura constaté : la variation des coupures correspond à l’état d’enlacement de l’objet, nous ne le savions pas nous-même, avant d’en faire l’analyse. On pourrait à première vue imaginer diverses réponses. Celle-ci par exemple : il serait impossible, au travers des déformations, de trouver à chaque fois la présentation alternée du nœud. Mais l’exposé d’une autre théorie, la théorie des enlacements, nous permettra de donner de cette déformation une autre conception. C’est ce que nous allons montrer en reprenant toujours le même exemple. Il nous obligera à formuler à nouveau l’agencement des enlacements qu’il comporte, mais cet effort supplémentaire sera compensé par une résolution graphique qui apportera un éclaircissement dans la lecture des dessins. À partir de ce chapitre et dans les deux suivants, nous produirons une séparation en deux parties qui se suivent mutuellement d’un chapitre dans l’autre. Une première partie traitera de la description graphique des objets alternables en théorie classique des nœuds. Une deuxième partie présentera la plasticité nodale, en commençant par définir et développer la théorie des non-nœuds de un à trois ronds, noyau d’effectivité de notre théorie du nœud. I. Description graphique Nous disions que la théorie commence dès lors que nous disposons d’une relation d’équivalence d’entre les schémas plats. Cette équivalence est rendue dans les dessins par les déformations ou changements admis de ces présentations. Les changements de présentation qui assurent ainsi l’identité de l’objet sont décomposables en mouvements élémentaires. Ces déformations d’un objet quelconque sont appelées isotopies dans les théories classiques. Elles s’effectuent selon les mouvements élémentaires de Reidemeister. a1 - Les mouvements de Reidemeister Il y a trois types de mouvements de Reidemeister :
Donnons un exemple de l’usage de ces mouvements lors d’un changement de présentation. Nous partons d’un schéma plat quelconque, ici non alterné. Fig. 2 Nous pouvons y pratiquer successivement différents mouvements élémentaires. Fig. 3 Jusqu’à obtenir une présentation alternée du même objet. Cet objet était donc alternable. Chacun de ces trois types de mouvements est caractérisé par son degré. Le degré d’un mouvement élémentaire est défini par le nombre de croisements mis à contribution dans ce mouvement. Le premier mouvement est de degré 1, le second est de degré 2, le troisième est de degré 3. Dans les deux premiers types de mouvements élémentaires, le ou les croisements mis à contribution apparaissent ou disparaissent, alors que dans le troisième type, le nombre de croisements mis à contribution se conserve. Il y a aussi des changements de degré 0. Par exemple, la déformation continue d’un arc qui ne met à contribution aucun croisement est un type de mouvement élémentaire de degré 0. Ici apparaît une énigme que nous voulons éclaircir dans ce chapitre. Le passage d’un objet qui présente n croisements à sa présentation duale sur le plan, est un mouvement de degré n, alors qu’à la surface de la sphère, le passage du même objet à sa présentation duale est un mouvement de degré 0. Expliquons ce fait en décomposant ce problème à l’aide de définitions plus précises. Nous appellerons présentation duale d’une présentation donnée, le schéma plat obtenu en modifiant dans le dessin le parcours d’un arc périphérique de telle manière qu’il fasse le tour de la figure empruntant maintenant l’autre côté du schéma plat.
Nous pouvons décrire ce passage à la présentation duale en supposant qu’un arc périphérique a été mis en continuité par une section transverse avec un cercle qui entoure la figure, mais cette façon de considérer les choses est par trop discontinue du fait de la section transverse. Il s’agit bien pourtant du même objet topologique. Pour préciser ce que nous faisons, il nous faut faire intervenir la surface qui supporte le dessin. Rappel Si nous faisons un trou, comme une rupture de surface, dans une sphère2, nous obtenons une étoffe qui n’est plus la même surface que la sphère dans son intégrité. Nous appelons sphère trouée cette autre surface, distincte de la sphère. La sphère trouée est équivalente à un disque (pastille) avec son bord. C’est dire que le disque muni de son bord, nous l’appellerons aussi disque fermé, est une sphère trouée. Dans cette étendue munie d’un bord, la partie du disque distincte de son bord est un ouvert pour une topologie usuelle de cette surface. Cet ouvert est l’intérieur du disque fermé, nous l’appellerons disque ouvert. Nous pouvons dire ainsi, d’après ce qui précède, que le disque ouvert est l’intérieur de la sphère trouée, intérieur non comme contenant mais intérieur au sens de la topologie générale. Maintenant pour conclure ce petit rappel, le plan infini est équivalent au disque ouvert. Nous pouvons donc formuler que le plan infini est l’intérieur topologique d’une sphère trouée. Nous revenons à notre problème relatif à la présentation duale du même objet dont voici le résultat obtenu par des déformations continues d’ordre zéro à partir de la définition précédente. Fig. 5 Ce qui nous intrigue peut se formuler ainsi. Sur le plan infini ou sur le disque ouvert (sans bord), équivalant à l’intérieur topologique de la sphère trouée, il faut effectuer des changements de présentation de degré 1, 2 et 3 pour passer à la présentation duale du même nœud, alors que sur la sphère non trouée ce mouvement ne met à contribution aucun croisement. Expliquons encore cette nuance qui est invisible dans le résultat. Ici nous rencontrons un problème qui n’a été traité, à notre connaissance, nulle part, du point de vue de la topologie, avec la distinction qu’il faut faire, parmi les isotopies régulières et qui prolonge celle qui se fait entre isotopies d’ambiances et isotopies régulières. a3 - Isotopies d’ambiances et isotopies régulières Lorsque les trois types de mouvements sont autorisés dans nos dessins, nous dirons que les objets sont soumis à des isotopies d’ambiances; cela revient à se placer dans l’espace ambiant pour faire la théorie des objets ainsi déterminés. Si nous ne retenons entre les présentations graphiques que les deux derniers types de mouvements, nous dirons que les objets sont déterminés à isotopies régulières près, ce qui équivaut à les soumettre à des contraintes supplémentaires qui semblent liées à la surface du dessin sans qu’ils soient immergés dans cette surface. Nous parlerons dans ce cas de mise à plat de l’objet. Les isotopies régulières sont une commodité qui a un effet dans l’écriture mathématique de la théorie. La question de la structure de la surface qui supporte le dessins dans ces conditions dites régulières n’est pas suffisamment prise en compte, nous la rencontrons pourtant à propos du degré du passage d’une présentation à sa présentation duale. C’est dire qu’il y a lieu de prendre en compte une théorie de la mise à plat. Reprenons à cette fin la définition de la dualité déjà rencontrée au chapitre II, lors du premier temps de l’algorithme. Nous appelons dualité, l’inversion de la qualité des pleins et des vides pour une présentation donnée. Fig. 6 La question se pose alors de savoir si nous obtenons bien une surface d’empan et quelle est la surface obtenue? De quelle présentation est-elle la surface d’empan? Nous savons, pour en avoir convenu, ce qu’est la surface d’empan d’une présentation. Nous la définissons comme la surface composée des zones pleines de la présentation déduite du premier temps de l’algorithme. Ces zones étant réunies par des demi-torsions. C’est dire que nous attachons la notion de pleins à la présentation donnée. La convention que nous avons adoptée consiste à choisir les zones pleines de la présentation de telle manière que les zones vides qui leur correspondent, par contraste, portent le même signe que la zone périphérique de cette présentation. Le signe attaché à chaque zone étant produit par le premier temps de l’algorithme. Dans la figure qui précède, la surface d’empan de la présentation donnée, les pleins rattachés à cette présentation sont donnés par le dessin de gauche. Grâce à la dualité, nous construisons ce qui nous semble être une autre surface, dont l’ensemble des pleins comporte la zone périphérique, celle qui est autour du schéma plat Cette surface n’est pas la surface d’empan de la présentation donnée. Est-elle la surface d’empan d’une autre présentation? Décider de quelle présentation cette surface est la surface d’empan nous permettrait de répondre à cette question. Pour y répondre, nous allons montrer qu’il s’agit bien de la surface d’empan d’une autre présentation et montrer ainsi de quelle présentation et de quelle surface il s’agit. Proposons-nous de tracer un cercle autour de la figure afin de borner la zone périphérique. Fig. 7 Par déformation de la surface ainsi obtenue, nous pouvons répondre à la question posée. Nous déformons la surface en suivant une série de huit changement de présentations : Fig. 8
La surface déformée présente un trou qui compte pour un rond supplémentaire, distinct de l’objet. Nous fermons ce trou grâce à une pastille sphérique (disque) afin d’obtenir la surface d’empan duale de celle dont nous étions partis. Fig. 9 La surface duale d’une surface d’empan donnée est une surface d’empan modulo la question de ce trou dont nous allons donner la raison en termes de sphère et de sphère trouée. La collection des pleins obtenue par la dualité réunis par les demi-torsions correspondant aux croisements est bien une surface d’empan. Nous avons précédemment défini la présentation duale d’une présentation donnée. Cette surface est la surface d’empan de la présentation duale de la présentation donnée. Nous savons donc construire cette surface à partir de la présentation duale, c’est la surface d’empan de cette présentation duale. La dualité des présentations tient son nom de la dualité des surfaces d’empan. Cette notion vient des graphes comme nous allons le voir. Nous vérifions encore cela en considérant la surface duale limitée par un cercle comme nous l’avons déjà rencontrée. En créant une mise en continuité entre ce cercle et un arc périphérique, nous passons à la présentation duale. Fig. 10 Cette mise en continuité se fait par une coupure transverse de l’étoffe considérée et ce procédé se substitue au fait d’avoir à fermer le trou de la surface par une pastille sphérique. Maintenant que le lecteur a commencé à éprouver la différence introduite par un trou imaginable comme rupture de surface, nous pouvons revenir au problème posé par le degré du passage au dual. Nous allons retrouver ce trou sur la sphère de la mise à plat de l’objet. 2. Isotopies régulières sur la sphère trouée ou non trouée Nous formulions cette curiosité dans le cas du passage par le changement de la présentation d’un schéma plat donné à sa présentation duale. Le passage d’un objet, qui présente n croisements, à sa présentation duale sur le plan, est un mouvement de degré n + 2, alors qu’à la surface de la sphère, le passage du même objet à sa présentation duale est un mouvement de degré 0. a1 - Si la sphère est non trouée Nous pouvons expliciter le passage à la présentation duale : Fig. 11 Ce passage est comme un mouvement de degré zéro qui emprunte la face de la sphère cachée à notre regard comme le montre le changement de présentation suivant. Cette déformation ne met effectivement à contribution aucun croisement. Les choses se présentent comme dans le plan de la mise à plat. Fig. 12 Dans le registre graphique nous pouvons expliciter le passage à la présentation duale comme une série de mouvements T3 de degré 3, chacun composé avec deux mouvements B1 de degré 1, et quelques mouvements M2 de degré 2, comme le montre le changement de présentation suivant. Comme les mêmes croisements sont mis plusieurs fois à contribution dans autant de T3 qu’il y a de croisements et qu’il faut faire agir deux mouvements B1, nous dirons que ce changement de présentation est de degré 3n + 2 ou n + 2. Cette façon de compter est encore grossière, nous allons l’améliorer dans la suite de ce chapitre en précisant l’orientation des mouvements grâce au signe de torsion de chaque croisement. 3. Graphe des pleins et graphe des vides Restons encore dans cette imprécision relative pour voir que la notion de dualité des surfaces d’empan et des présentations vient de la dualité des graphes3. Cette traduction se fait par l’intermédiaire de graphes définis sur les schémas plats à partir du résultat obtenu dès le premier temps de notre série algorithmique. Nous en déduisons des propriétés graphiques, lisibles de manière immédiate, exprimées sous l’aspect de formules arithmétiques élémentaires, grâce à des résultats déjà rencontrés à propos des surfaces. Un graphe plongé dans une surface possède des sommets et des arêtes et détermine des faces. Ces faces doivent être des disques dont les portions de graphe sont le bord. Ces différents éléments, sommets, arêtes et faces, sont respectivement de dimension zéro, un et deux. Nous définissons très généralement la dualité dans une série ainsi ordonnée, lorsque nous inversons l’ordre de la série des dimensions. 0 1 2 2 1 0 Étant donné un graphe : Fig. 13 Le graphe dual, d’un graphe donné, est le graphe constitué des points que nous pouvons placer dans chaque face du premier graphe, ce sont les sommets du graphe dual. Les segments qui joignent ces sommets et croisent les arêtes du graphe donné, sont les arêtes du graphe dual. Fig. 14 Si nous isolons le graphe ainsi construit, nous constatons déjà que nous obtenons bien un graphe. Fig. 15 Ce graphe dual détermine des faces auxquelles correspondent les sommets du graphe initial. Nous considérons une présentation donnée. Nous déterminons par le premier temps de notre algorithme un couple d’opposition binaire de zones, les pleins et les vides de la présentation. À placer un point dans chaque plein, si nous réunissons ces points par des arêtes qui passent d’une zone pleine à une autre à l’occasion de chaque croisement, nous obtenons le graphe des pleins. Il entoure en chacune de ces faces un vide de la présentation. Fig. 16 Le graphe dual dans le plan (ou la sphère) du graphe des pleins sera le graphe des vides. Fig. 17 Il est constitué de sommets placés dans chaque zone vide, joints par des arêtes passant par chaque croisement et croisant chaque arrête du graphe des pleins. C’est le graphe construit précédemment dans l’exemple que nous avons donné. Fig. 18 Ceci n’a rien d’étonnant puisque le graphe des pleins de cet objet était identique au graphe choisit afin d’illustrer la définition du graphe dual. Donnons maintenant le graphe des pleins et le graphe des vides de notre cas général. Ils sont duaux l’un de l’autre. Fig. 19 Voici la présentation de ce cas général. Nous pouvons construire son graphe des pleins en plaçant un sommet dans chaque zone déterminée comme pleine par notre premier temps algorithmique. Fig. 20 Il est obtenu en joignant ses sommets par autant de segments qu’il y a de portions d’arcs dans l’objet donné car ses arêtes coupent chacune une portion d’arc. Nous procédons de la même manière pour obtenir le graphe de vides en plaçant bien sûr les points dans les zones réputées vides d’après notre algorithme. Fig. 21 Nous laissons au lecteur le soin de vérifier que ces deux graphes sont bien duaux l’un de l’autre. Ce sont des résultats de la théorie des surfaces qui se traduisent en régularités littérales des schémas plats nodaux lorsque les objets litturatérissent. Ils valent pour les présentations alternées, ou bâtis (univers), d’orientations positives quant à la torsion. Il est intéressant de les comparer aux résultats déjà produits dans le chapitre précédent quant aux enlacements et à la coupure. Ils n’ont pas la même portée. Le premier tient à la surface sphérique de la mise à plat déjà connu de Descartes, c’est le plus ancien résultat de cette discipline, il a été démontré par Euler. Il dit en langage plus tardif et plus condensé que l’indicateur d’Euler-Poincaré4 de la sphère vaut 2. Cet indicateur d est défini dans une surface par l’intermédiaire d’un graphe tracé dans cette surface pourvu que les faces qu’il délimite soient des disques (sphères trouées). Son expression écrit le nombre des sommets du graphe, diminué du nombre des arêtes, augmenté du nombre des faces : d = S – A + F Dans le cas de la sphère, d = 2, il donne le théorème selon lequel le nombre des sommets du graphe, diminué du nombre des arêtes, augmenté du nombre des faces vaut deux : S – A + F = 2 Traduit en termes de schémas plats grâce au graphe des pleins, ou grâce au graphe des vides, ceci est indifférent du fait de l’aspect médian de cette expression eu égard à la dualité; ce résultat formule que le nombre des pleins, diminué du nombre des croisements, augmenté du nombre des vides vaut deux : P – C + V = 2 Soit, par une légère conversion qui rend lisible la symétrie duale des pleins et des vides autour des croisements, il est un fait démontré alors que la somme du nombre des pleins et du nombre des vides est égale au nombre des croisements augmenté de deux unités. Ou, comme on dit, la somme des pleins et des vides égale les croisements plus deux. Ce qui s’écrit : P + V = C + 2, notre formule la plus élémentaire. Elle rend raison de ce que nous pouvons constater sur notre exemple comme dans un cas quelconque. P = 11, V = 10, C = 19 Fig. 22 À condition, comme toujours, de ne pas omettre de compter la zone périphérique, au même titre qu’une zone quelconque, parmi les zones vides. En effet : 11 + 10 = 19 + 2 = 21. Il existe deux autres formules duales entre elles qui précisent encore une propriété graphique de nos schémas plats. Pour les démontrer, il faut se reporter à l’exercice5 que nous donnons dans notre ouvrage précédent, à propos des multi-tores présentés comme des sphères munies d’anses et de tubes. La première formule dit que la somme du nombre de vides et du nombre de ronds a la même parité que le nombre de la coupure. Quand la coupure est impaire, cette somme est impaire; quand cette somme est paire, la coupure est paire. Cette somme est congrue modulo deux au nombre de la coupure. La seconde formule est la duale de la précédente, il y a congruence modulo deux entre la somme du nombre des pleins et du nombre de ronds avec le nombre de la coupure duale. Ce résultat s’écrit de manière condensée dans les deux formules suivantes : V + R = kiS (mod 2) P + R = k*iS (mod 2) Et peut se lire dans la figure suivante :
P = 11, V = 10, R = 3, kiS = +4 – 3 = +1 et k*iS = +3 – 9 = –6 Fig. 23 Nous vérifions en effet que dans ce cas la somme du nombre de vides et du nombre de ronds est impaire comme est impair le nombre de la coupure. V + R = 13 @ 1, kiS @ 1, Le caractère qui marque l’équivalence @ écrit la congruence modulo deux, pour cette relation les nombres pairs sont équivalents à zéro et les nombres impairs à un. De même la somme du nombre de pleins et du nombre de ronds est paire comme est pair le nombre de la coupure dans la surface duale. P + R = 14 @ 0, k*iS @ 0 Nous interrompons là, avec ces premières formules élémentaires d’arithmétique du nœud, notre approche de la dualité. Cette notion va nous occuper longtemps, mais il nous faut aborder maintenant la question de théories qui modifient et élargissent l’expérience des déformations au-delà de l’invariance physique des objets en dimension trois. Il nous faut maintenant avancer dans des espaces de dimension inconnue selon le même principe que celui adopté en théorie classique, il suffit de se dire que la déformation y est plus forte. II. Plasticité nodale Nous abordons ici une première théorie non classique. Elle est propre au champ freudien et commence, comme nous le disions dans notre premier chapitre, lorsque nous aurons donné la définition des mouvements de cette théorie. Elle commence donc au même endroit que la théorie classique avec les mouvements de Reidemeister mais de manière différente puisqu’elle est déterminée par deux mouvements non classiques. Revenons à ce que nous apprenions à la fin du chapitre précédent pour l’introduire avant de la définir. Nous connaissons déjà, depuis le chapitre précédent, les nombres d’enlacement d’une chaîne dont les ronds sont orientés et nous avons appris à les calculer. Leur répartition nous livre une bonne analyse de l’état de l’enlacement dans la chaîne considérée. À leur propos nous avons défini une relation d’équivalence Renl entre chaînes orientées. Le nombre de chaîne Si, pour une orientation donnée, est la somme de ces nombres d’enlacement des couples de ronds, c’est un invariant de l’isotopie d’ambiance et a fortiori de l’isotopie régulière des chaînes orientées. Dans le cas des présentations de chaînes dont les ronds sont non orientés, nous convenons de leur associer la surface d’empan (1er temps de l’algorithme) qui laisse vide l’espace autour du nœud. Elles sont donc nécessairement orientées par la torsion grâce à cette convention. Nous parlerons de chaînes non colorées dans le cas de ces présentations de chaînes, tant qu’il n’est pas question de coloriages (2e et 3e temps de l’algorithme). Dans ces conditions, nous ne tiendrons pas compte de la présence ou de l’absence de la surface d’empan, mais nous considérons les chaînes non colorées comme orientées par la torsion. Nous avons alors considéré, dans le cas des chaînes non colorées, la répartition des nombres de chaîne en fonction des changements d’orientation de ses composants. À ce propos, nous avons défini une relation d’équivalence RS entre chaînes non colorées. Il y a une correspondance entre la répartition des nombres de chaîne dans le cas non coloré et les répartitions des nombres d’enlacement, dans chacun des cas orientés. Cette correspondance est résumée dans l’énoncé suivant. De l’enlacement au nombre de chaîne Deux chaînes non colorées S1 et S2 seront RS-équivalentes si et seulement si elles sont, en tant que chaînes orientées, Renl-équivalentes pour chacun de leurs coloriages respectifs mis en relation par g. Cette proposition condense les deux derniers énoncés relatifs aux propriétés de ces relations dans notre chapitre précédent. Ces considérations nous donnent la preuve la plus simple que des chaînes sont des chaînes effectives; elles tiennent et leurs composants s’enlacent deux à deux. Nous connaissons d’autre part des chaînœuds qui tiennent aussi bien et dont les nombres de chaînes sont nuls pour toutes orientations, comme dans le cas des anneaux des Borromées ou de la chaîne de Whitehead. Ces chaînœuds, ou nœuds impropres, sont des chaînes à coupures constantes. Les nœuds propres, faits d’un seul composant, ont toujours un nombre de chaîne nul, et sont par conséquent à coupure constante. Si nous voulons écrire une théorie des nœuds et des chaînes qui ne préserve que les relations Renl d’entre les chaînes orientées et RS entre les chaînes non colorées, et ne respecte par conséquent que l’état de l’enlacement, nous pouvons ajouter les homotopies régulières et les mouvements gordiens aux mouvements de Reidemeister qui engendrent les isotopies d’ambiance de la théorie classique Tc des nœuds et des chaînes. Nous allons définir immédiatement ces deux types de mouvements supplémentaires. Réciproquement, nous ne sommes pas assurés pour autant que deux objets orientés Renl-équivalents, ou non colorés RS-équivalents, présentant le même état de l’enlacement soient identiques dans cette théorie. Il faut une preuve pour s’en assurer. Cela donnera lieu à un théorème. 2. Une théorie des enlacements Dans cette théorie T0 des enlacements, l’ensemble des mouvements laisse invariant l’état de l’enlacement. Nous nous déplaçons ici dans l’ensemble P des présentations de chaînes et de nœuds non colorés quant aux composants, dont nous choisissons un coloriage quelconque lorsque les calculs l’exigent et dont nous tenons compte de l’ensemble des coloriages, pour la bonne définition des nombres d’enlacement. Nous disposons de l’ensemble E0 des mouvements qui se répartissent selon un ensemble TE0 de types : TE0 = {B1, B1*, M2, T3, G, H, H*} Précisons les types de transformations qui respectent l’état de l’enlacement au sein d’une chaîne, c’est-à-dire qui préservent la relation RS. a1 - Définitions des types de mouvements de cette théorie 1. Nous disposons des mouvements du type de ceux de Reidemeister pour changer les présentations. Fig. 24 2. L’homotopie régulière défait les nœuds propres et certaines chaînes, celles qui contiennent du nœud propre, en agissant à la hauteur de chaque croisement propre par l’inversion du dessus dessous. Fig. 25 Nous appellerons ces homotopies régulières des mouvements gordiens propres. 3. Les mouvements gordiens impropres défont certaines chaînes, celles qui contiennent du nœud impropre, en agissant à la hauteur d’un couple de croisements impropres qui doivent mettre à contribution les deux mêmes ronds, être de même torsion et de signes de croisement opposés. Cette dernière distinction se caractérise par la présence d’une coupure pour l’un et l’absence de coupure pour l’autre des croisements impropres pour un coloriage quelconque. Fig. 26 Cet ensemble TE0 des types de transformations définit la topologie des nœuds et des chaînes à gordiens d’ambiance près, soit la théorie des Enlacements. Une série de mouvement gordien $ est une transformation de la présentation S en la présentation S’,
$ : P ® P, tel que $ (S) = S’ définie par une série de mouvements Xi, (X1, X2, …, Xi, …, Xn) avec Xi Î E0 où chacun des mouvements Xi est un changement de présentation élémentaire pris parmi les types de l’ensemble TE0. Ainsi : $ (S) = Xn ( … Xi ( … X2 (X1 (S)))), où la barre portée sur la lettre désignant ce changement de présentation, soit une série de mouvements, est là pour rappeler combien ces mouvements font dériver la coupure isolée dans nos dessins, jusqu’à la faire disparaître par instant. Nous parlerons à cette occasion du mouvement de la coupure. Nous définissons alors, grâce à ces changements de présentations, une relation R0 (S1, S2), sur l’ensemble des présentations de nœuds ou de chaînes. Soit : R0 (S1, S2) Û $ $ ($ (S1) = S2). Cette relation est une relation d’équivalence. Nous la noterons parfois S1 »0 S2. Nous appellerons Enlacements les classes d’équivalence définies par cette relation. Ces classes de présentations constituent les objets de cette théorie. La théorie T0 des Enlacements est bien la théorie de ces classes d’équivalences et il est aisé de montrer par un calcul soigneux sur les signes de croisement d’une orientation quelconque, lorsqu’il s’agit de croisements impropres, que ces mouvements respectent les nombres d’enlacements, et par conséquent la relation RS. Les objets identiques de cette théorie ont même enlacement Pour deux présentations de chaînes ou de nœuds S1 et S2 : R0 (S1, S2) Þ RS (S1, S2) Les mouvements de Reidemeister ne changent pas la somme des signes des croisements impropres. Car seul le mouvement B1 supprime ou ajoute un croisement, mais il est propre. Les homotopies agissent uniquement sur les croisements propres, les nombres d’enlacements y sont donc indifférents. Les gordiens agissent exclusivement sur les croisements impropres, ils sont conçus pour ne pas changer le nombre d’enlacement d’un couple de composants. Ces mouvements inversent le signe de torsion et le signe de croisement de deux croisements, auxquels participent deux mêmes ronds, de même torsion et de signes de croisement opposés. Leur action sur les signes de croisement ne fait, par conséquent, pas varier la somme globale d’enlacements, le nombre de chaîne, car un signe +1 se transforme en –1, et un –1 en +1. Donnons deux exemples de ces transformations et de cette relation d’équivalence. Nous nous proposons de les effectuer dans le cas le plus général que nous avons choisi jusqu’ici et à l’occasion des anneaux de la famille des Borromées. Reprenons le cas général que nous étudions depuis le début : Fig. 27 et démontons son nœud en employant ces mouvements6 : Fig. 28 Ce changement de présentation $ est défini par la série de mouvements : (G, T3, 2 x M2, M2, T3, S, B1, T3, M2, G, M2, D) où S vaut pour la traversée par le dessus d’un cercle nouant un croisement, ceci fait cinq croisements soit (M2, 5 x T3, M2), et D la dualité dans ce cas soit : (2 x M2, 2 x T3, 3 x M2, 4 x T3, 2 x M2, 2 x B1) soit : (G, T3, 2 x M2, M2, T3, M2, 5 x T3, M2, B1, T3, M2, G, M2, 2 x M2, 2 x T3, 3 x M2, 4 x T3, 2 x M2, 2 x B1) Dans le cas du coloriage choisi, comparons son nombre de chaîne à celui du résultat obtenu.
Si = 1/2 (– 9 + 5 – 2) = –3 Si = 1/2 (– 6) = –3 Fig. 29 Les anneaux des Borromées Nous défaisons le nœud borroméen en effectuant une série de mouvements faits d’un mouvement gordien G, suivit d’un mouvement de Reidemeister T3, puis de trois mailles M2. Fig. 30 Soit la série : (G, T3, M2, M2, M2), où il se vérifie que les anneaux borroméens ne contiennent pas d’enlacement. a3 - Les gordiens de torsion différente Définissons un type de mouvement qui est composé de deux mouvements précédemment rencontrés. Le mouvement gordien non alterné agit à la hauteur d’un couple de croisements impropres qui doivent mettre à contribution les deux mêmes ronds et être de signes de torsion opposés et de signes de croisement opposés. Cette dernière distinction se caractérise par le fait que les croisements choisis de torsions différentes sont de même type relativement à la coupure. Soit qu’elle soit présente dans les deux croisements, soit qu’elle soit absente. Nous les indexerons par leur signe de torsion. Fig. 31 Montrons combien ces mouvements entre croisements non alternés sont des composés de nos mouvements générateurs. Dans le cas d’un couple de croisements auquel deux mêmes ronds participent, nous pouvons toujours provoquer une maille d’entre ces deux ronds, par le mouvement M2. Ceci produit deux nouveaux croisements l’un par rapport à l’autre. Fig. 32 Mais il est nécessaire ici de produire des croisements de type différent relativement à la coupure donnée, ce qu’il est toujours possible de réaliser en choisissant convenablement les arcs qui produisent une nouvelle maille et en ajoutant une boucle éventuellement. *Fig. 33 Si nos croisements de départ ont bien des nombres de torsion inverses, ils peuvent s’apparier avec les nouveaux croisements. Dans ce cas, nous pouvons pratiquer deux gordiens alternés précédemment définis. Il suffit ensuite de réduire la maille par mouvement M2 pour obtenir le résultat escompté. Nous utilisons ces gordiens non alternés dans ce qui suit. a4 - Les différents enlacements Nous disions, au début de ce chapitre, que nous ne disposions pas de la preuve de l’implication réciproque selon laquelle deux chaînes présentant la même analyse de l’état de l’enlacement, RS-équivalentes, seraient identiques dans la théorie des enlacements. Cela revient à se poser la question de savoir si pour deux chaînes S1 et S2, RS-équivalentes, il existe toujours une série $ de mouvements entre elles telle que : S2 =$ (S1) Répondre positivement à cette question, c’est démontrer le théorème suivant. Deux enlacements égaux sont des objets identiques Si deux chaînes S1 et S2 sont RS-équivalentes, alors elles sont R0-équivalentes : RS (S1, S2) Þ R0 (S1, S2) Démonstration Définissons un mode de composition, noté #, entre chaînes de telle manière que leurs nombres d’enlacement ou leurs nombres de chaîne s’additionnent. Ce mode de composition consiste à mettre en continuité les surfaces d’empan par autant de plongements de rubans bilatères qu’il y a de composants de chaînes. Ces rubans doivent respecter les bijections f et g de nos relations Renl et RS et le coloriage de chacune des surfaces composées. Il peut être nécessaire de provoquer des torsions sur ces rubans afin de convenir à cette dernière condition. Cette composition met, du même fait, en continuité les composants respectifs de chaque chaîne, en respectant leur orientation choisie. L’emploi des rubans bilatères nous assure que nous ne créons pas d’enlacements, car leur bord est parcouru dans les deux sens. Par conséquent là où leur bord entre, il ressort. Utilisons ce mode de composition à partir de deux chaînes S1 et S2, RS-équivalentes, dont nous choisissons un exemple pour aider à la lecture. Fig. 34 Appelons S2–1 la présentation obtenue en inversant tous les croisements de S2. Fig. 35 Et nous fabriquons le composé S1 # S2–1 # S2 comme (S1 # S2–1) # S2 ou comme S1 # (S2–1 # S2) : Fig. 36 Il existe une série de mouvements gordiens entre ce composé et S1 d’une part, et entre ce composé et S2 d’autre part. Ce composé diffère de S1 par la chaînœud S2–1 # S2, et de S2 par la chaînœud S1 # S2–1. Ces deux composés sont bien des chaînœuds, du fait que leur nombre d’enlacement est nul pour toute orientation. En effet, la composition par # additionne les nombres d’enlacement pour chaque orientation respective et S1 et S2 ont même répartition des nombres d’enlacement, ceux-ci étant simultanément opposés aux nombres d’enlacement de S2–1 par construction de celle-ci. Les chaînœuds sont sans enlacement Une chaînœud est toujours réductible, par une série de mouvements de la théorie T0, à une chaîne triviale, faite de ronds dispersés. Nous le démontrons en faisant la remarque selon laquelle dans une chaînœud nous pouvons toujours empiler les ronds en agissant par des gordiens alternés et des gordiens de torsion différente à la hauteur des croisements impropres. Il suffit de constater dans une chaînœud où le Si est toujours nul, par définition, que ses croisements impropres peuvent être appariés, par couple d’éléments soit de mêmes torsions et de coloriages différents, soit de torsions opposées et de mêmes coloriages. Ils présentent donc une symétrie entre eux, sans reste puisqu’il n’y a pas d’enlacement. Vérifions ce fait dans l’exemple choisi en réduisant à une chaîne triviale la chaînœud S1 # S2–1 : Fig. 37 Réduisons à une chaîne triviale la chaînœud S2–1 # S2 : Fig. 38 Agissant ainsi lorsque les ronds sont empilés, nous pouvons par des mouvements de Reidemeister disperser les ronds qui peuvent encore former des nœuds propres, s’il y a lieu. Dans ce cas, il restera à défaire les nœuds propres par homotopies pour démontrer notre lemme. Grâce à l’homotopie, nous disposons déjà du résultat suivant. Les nœuds propres sont triviaux Les nœuds propres forment une seule classe pour la relation R0. Ce second point est facile à démontrer grâce à l’homotopie. Tout nœud propre peut être réduit à un empilement de boucles. Ce maillage est équivalent, par des mouvements de Reidemeister, au nœud propre trivial constitué par un plongement simple du cercle dans l’espace. Ceci achève notre démonstration, car : S1 # (S12–1 # S2) »0 S1 # 0 »0 S1 (S1 # S2–1) # S2 »0 0 # S2 »0 S2 La vérification consiste dans le comptage des croisements impropres, mais peut toujours être construite dans le cas de deux objets quelconques. Du fait de l’équivalence entre les relations RS et R0, cette théorie rassemble bien les états d’enlacement RS-équivalents dans des classes d’équivalences stables pour R0. Dans chaque classe, nous pouvons choisir un cas exemplaire qui condense son état de l’enlacement et représente cette classe. Ce choix permet de commencer à interpréter, au moyen de ces cas exemplaires, la moyenne des nombres de coupure SS de notre théorème principal. Nous poursuivrons cette voie dans les chapitres suivants, mais non sans avoir les moyens de comparer ces résultats aux données graphiques de nos objets. Nous disposons donc maintenant de deux théories extrêmes et opposés. La théorie classique des nœuds et des chaînes TC, qui traite des objets physiques que nous pouvons fabriquer avec de la corde, et la théorie des enlacements T0 qui traite des chaînes les plus faciles à imaginer puisque les anneaux passent dans les trous des autres anneaux, et facile à écrire puisque l’état des enlacements peut être présenté comme un tableau de combinaisons linéaires et calculé sur le dessin. Cette théorie réduit tous les objets de la théorie classique à ceux-là. Nous résumerons cette situation par le diagramme suivant : T0 | TC et c’est à affiner celui-ci grâce à d’autres théories alternatives que nous tenterons de préciser notre progrès. Ces théories provoquent des regroupements d’objets caractérisés par des structures nodales spécifiques, comme les nœuds propres, les enlacements, les chaînœuds de Whitehead, les chaînœuds borroméennes et des réductions, rendues par des théorèmes propres à chacune. Nous en développerons certaines dans des études annexes à cette série d’ouvrage en fonction de leur effet sur la structure d’ensemble, ceci afin de nous orienter dans la multitude des objets. Nous pouvons commencer en situant dès maintenant les propos respectifs de Lacan et de Soury comme les deux théories qui leur sont propres. Les auditeurs du séminaire de Lacan ne savent toujours pas ce que celui-ci cherchait à montrer au cours des années soixante-dix. Nos travaux répondent à cette question, malgré le diagnostic souvent porté par la plupart, sans y avoir regardé de près, d’une recherche de totalité. Celle-ci est poliment présentée, grâce à une référence littéraire, comme une recherche de l’absolu. Or Lacan ne recherche pas l’absolu pour la bonne raison que pour lui absolu veut dire séparé et qu’en matière de détachement d’autres ont déjà largement dit ce qu’il est possible d’atteindre. Les enfants qui produisent un objet transitionnel effectuent une trouvaille de l’absolu que les occidentés adultes qui les entourent ne peuvent faire rentrer dans leurs catégories. Lacan indique la place d’une théorie des chaînes et des nœuds à mouvements gordiens impropres près, nous la désignerons par le sigle TG, puisqu’il effectue ce type de mouvement. Il est vrai qu’il l’emploie pour rendre compte du passage du quatre au trois. Nous reviendrons sur cette question dans notre dernier chapitre. Pour Soury, les choses sont plus directes. Soury étudie les chaînes à homotopies près qu’il appelle aussi les chaînettes borroméennes, dans une théorie que nous désignerons par le sigle TH. Nous savons, pour l’avoir entendu le dire, son argument principal dans cette enquête. Il raisonnait ainsi : — Lacan étudiant les nœuds parle avec insistance du nœud borroméen. — Milnor [29. a et b] étudiant ces mêmes objets rencontre le borroméen qu’il nomme presque trivial. — Est-ce pour les mêmes raisons? De ce fait, Soury se concentre sur les travaux de Milnor et se lance dans des calculs de groupes non commutatifs et les calculs de Magnus. Il cherche à rendre plus accessibles par le dessin, à ceux qui ne pratiquent pas l’algèbre, le nombre de Milnor d’un objet. Ces différentes théories, en particulier la théorie TH a un intérêt supplémentaire pour nous, du fait qu’elle modélise en dimension trois ce qui se passe en dimension quatre. Ou si l’on préfère elle traite des objets immergés dans la dimension trois ce qui reste une assez bonne vue de l’esprit de ce qui se passe en dimension quatre. C’est surtout cette question de dimensions qui va nous occuper. Nous montrerons à la fin du chapitre suivant comment se découvre une rupture de structure, à propos des non-nœuds, entre trois et quatre dimension. Ceci dépendant du chiffrage des états d’enlacements. Il est bien évident pour qui pratique ces espaces topologiques qu’il n’est pas, jusqu’à ce jour, une construction d’espace ou de dimensions qui fasse modèle continu à la théorie TG. Que cette théorie ne soit pas topologique en dimension trois n’exclut pas qu’il ne se trouve un modèle topologique en d’autres dimensions. Ou bien il faut le démontrer. Nous pouvons dresser le graphe des relations qu’entretiennent ces différentes théories, cela donne le schéma suivant que nous allons enrichir au fur et à mesure de nos avancées.
Les deux théories TG et TH méritent d’être considérées séparément et que soit établie la relation de l’une à l’autre. Cette étude établira la relation qu’entretient le mouvement gordien impropre avec l’homotopie (mouvement gordien propre). Ce sera l’occasion de traiter de la relation qui existe entre le propre, un seul rond, et l’impropre, plusieurs ronds. Nous introduirons cette étude de la relation du un et du multiple par une relation bien définie, dite d’homologie, à la fin de cet ouvrage. Or Soury cerne entre-temps une difficulté en soulignant l’existence de chaînes borroméennes qui se défont par des homotopies mais, et c’est là qu’est le trait qui le caractérise, des homotopies pratiquées sur des ronds différents. Cette propriété est de ce fait difficilement visible pour les calculs de groupe. En plus, il exhibe un exemple qui a une présentation alternée faite exclusivement de croisements impropres. Notons qu’il existe des objets qui ne sont plus visibles depuis ces deux théories. C’est dire qu’ils se défont aussi bien par des gordiens que par des homotopies, comme la chaîne de Whitehead.
Fig. 40 a2- Le nœud borroméen généralisé Je suis intervenu dans ce débat avec le nœud borroméen dont Lacan a dit qu’il était le nœud borroméen généralisé. Fig. 41 La fonction de ce nœud condense les complications auxquelles sont aveugles les théories à mouvements gordiens près, qu’ils soient propres ou impropres. Introduisons donc une théorie intermédiaire à Borroméen généralisé près et à Whitehead près.
Nous ne connaissons pas, pour le moment, le type de mouvements qui pourrait permettre de la définir. Nous ne le définirons qu’au chapitre sept. Nous ne déploierons donc le réseau de ces différentes théories que dans le dernier chapitre de cet ouvrage. Mais auparavant, nous tirerons d’autres conséquences de la confrontation des deux théories T0 et TC, au travers de l’analyse de la moyenne des nombres de coupure SS. e1 - Changement de présentation et présentation duale 1. Changer la présentation des objets suivants jusqu’à les réalterner, si cela est possible.
Montrez que le nœud suivant se réalterne comme dans le second dessin.
2. Ces deux présentations sont duales l’une de l’autre :
Nous passons de la première à la seconde en retournant un arc sur la sphère, ou en la mettant en continuité avec un cercle qui l’entoure.
Déformez la présentation ci dessus pour obtenir la seconde figure du trèfle. 3. Vérifiez en passant à la présentation duale que le nœud de Listing dessiné ici est autodual (bien qu’inversé) :
4. Remarquez la dualité régulière des objets suivants
e2 - Graphes duaux des pleins et des vides Tracer le graphe des vides et le graphe des pleins des objets suivants.
Vérifiez qu’ils sont mutuellement duaux entre eux. e3 - Calculs des formules élémentaires Vérifier les formules élémentaires pour les cas suivants :
À l’aide de mouvements gordiens et d’homotopie, réduisez les chaînes suivantes à leur état d’enlacement, sous l’aspect d’un non-nœud.
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